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Journal d'une adolescente des annees soixante

30 juillet 2011

3-6 mai 1960

 

Mardi, le 3 mai 1960.

 

Maman a 43 ans aujourd’hui. On fêtera ça dimanche en même temps que la fête des mères.

Il a fait beau, évidemment, puisque les vacances sont terminées, et je me suis promenée au «Tir». C’est vraiment la campagne là, avec des collines et des tranchées, un ancien domaine militaire. J’avais pris mon cahier pour faire des esquisses de la nature. Mais le printemps n’est pas très présent là, et je pensais fort aux vacances de Pâques. Alors je me suis promenée un peu partout dans le domaine, montant et descendant des collines  et traversant des broussailles. Au sommet d’une colline, trois hommes étaient en train d’observer deux amoureux. Ils m’ont regardée avec de grands yeux quand je suis passée. Au sommet d’une autre colline, un des trois hommes me rejoint.

-         Vous avez perdu quelque chose?

-         Non, pourquoi?

-         Parce que vous marchez en rond.

J’avais déjà le regard sur le sentier qui redescendait, quand il m’adresse de nouveau la parole.

-         Il fait beau, n’est-ce pas?

-         Oui, assez.

-         Vous habitez dans le quartier?

-         Non, sur la chaussée.

-         Vous êtes d’ici?

-         Non, j’habite ici, mais je ne suis pas d’ici.

-         Moi, j’habite là, dans le quartier.

-         Où ça?

-         Là-bas! Pas dans les blocs, dans le quartier. Quand il fait beau, je viens me promener ici. Et comme il faisait beau aujourd’hui… Mon ami disait… parce que vous veniez par là et que vous aviez vu les autres. Alors, tout serait gâché.

Un autre homme arrive, sûrement 30 à 40 ans.

-         Voilà mon ami.

L’ami en question s’arrête plus bas et nous regarde avec curiosité. Celui qui est près de moi s’adresse a lui.

-         C’est fini, hein.

-         Oui, oui.

Je ne savais pas de quoi ils parlaient, et je ne pouvais pas rester là.

-         Vous voulez vous promener? On peut aller par là.

Et du menton il indique un endroit où il n’y a personne. Je suis partie sans répondre. Je les entendais parler, et je me suis arrêtée. Alors il est descendu.

-         Vous pouvez avancer. Vous n’avancez plus? Pourquoi êtes-vous partie si brusquement?

Je me suis remise en route, et il m’a suivie pendant quelque temps. J’ai pris le chemin vers la maison, car il était temps de rentrer, et je le voyais partie par ailleurs, la tête baissée.

Alors j’ai eu des remords. Avait-il de bonnes intentions? Peut-être qu’il n’observait pas les amoureux. Si je le revois, je lui offrirai mes excuses. Pourquoi l’ai-je repoussé? Etait-ce instinctif, ou bien la colère? Je le regrette.

Julie.

 

 

Mercredi, le 4 mai 1960.

 

Retour à l’école aujourd’hui. Avec ma sœur, on s’est promenées au «Tir». Le jeune homme d’hier était là, mais quand il m’a vu il est parti. Si j’avais été seule, je serais allée vers lui. Son ami est reste tout un temps, et j’avais envie de m’adresser a lui. Quand ma sœur m’a demandé de cueillir des fleurs, je l’ai cherché sans succès.

A l’école, ça va bien. J’aimerais autant rester ici l’année prochaine. Comment explique ça à mes parents?

La nostalgie de la campagne est passée aussi. Je pense encore à mon cousin, mais j’accepte mon destin. J’essayerai d’être courageuse. En classe, mes sentiments sont au second plan, je suis de nouveau le clown.

C’est le mois de mai, mois de Marie.

Chère petite Maman du Ciel, en ce mois qui t’est consacré, de te prie de tout mon cœur flambant d’amour de m’aider, de me protéger, de me faire voir ce qui est bon et mauvais. Je te demande surtout de me consoler. J’en ai tant besoin! Car je me sens toujours seule, mais quand je pense a toi, je sais que tu es là et que tu ne me quittes jamais. Tu dois avoir du chagrin quand je me plains sans cesse d’être si seule. Tu pourrais croire que je t’oublie. Pardonne-moi si je t’oublie parfois. Qu’en ce mois de mai je me souvienne à chaque instant que tu es près de moi. Pardonne-moi si mes lèvres ne forment pas le «Je vous salue Marie», mais j’espère que seule ma pensée pour toi suffira. Aide-moi, aime-moi!

Julie

 

 

Jeudi, le 5 mai 1960.

 

Deux mots. Nous sommes pressées d’éteindre, car il est déjà 10 heures moins le quart. Je t’écrirai une longue lettre demain. Rien de remarquable ne s’est passé aujourd’hui, et donc, a demain.

Julie

 

 

Vendredi, le 6 mai 1960.

 

Il y a deux personnes heureuses de plus sur terre: la Princesse Margaret d’Angleterre et Antony Armstrong-Jones. Cette princesse a épousé un simple photographe. Ca a fait tout une histoire. La princesse a été amoureuse avant, du Capitaine Towsend, mais ils ne pouvaient pas se marier. Maintenant cette princesse nostalgique est devenue une femme heureuse.

Ce soir, nous avons discuté des vacances en famille. On pense aller à Lourdes. Ce serait formidable de voir l’endroit où ma petite Maman est apparue a une pauvre fille. On est aussi en train de préparer la fête pour dimanche.

J’ai reçu les premières leçons de dessin par correspondance, et j’ai hâte de voir les corrections de mes premiers dessins. Mais je dois d’abord les faire!

Julie

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28 juillet 2011

13 avril-2 mai 1960

 

 

Mercredi, le 13 avril 1960.

 

Dans les romans et les livres, l’amour va toujours de pair avec le chagrin. Est-ce la vie normale, ou est-ce simplement pour rendre le roman plus passionnant et plus long? Je ne sais pas. Mais si c’est le cas, pourquoi? Faut-il toujours souffrir? N’y a-t-il pas d’espoir de vrai bonheur? Pourtant, il suffit de regarder papa et maman, ils s’aiment beaucoup. Mais il y a aussi le chagrin avec la famille, les enfants ou les affaires. J’arrive à la conclusion qu’ici sur terre, personne ne peut être heureux longtemps et vraiment. C’est pourquoi j’aspire à la mort. Non, ce mot est tellement effrayant, c’est plutôt une libération. J’aspire à quitter la terre et à être heureuse pour toujours avec Jésus. Mon amour pour Jésus me fait peur. N’est-il pas mon Seigneur, mon Maître, mon Dieu? Est-ce possible qu’un être aussi insignifiant que moi puisse aimer Dieu? Non, ça n’existe pas. Il n’est pas possible que Jésus m’aime. Et pourtant, Dieu aime chacune de ses créatures. Comment peut-il aimer tant de monde en même temps et avec le même amour? C’est presque impossible, et pourtant c’est vrai.

J’ai peur de l’avenir. Que m’apportera t’il? Je n’ose pas penser à l’avenir. Ca veut-il dire que je veux mourir jeune? Je ne sais pas. Pourtant cette idée m’est familière. Mais d’abord je dois mériter le ciel, et j’aimerais aussi trouver quelqu’un de compréhensif. Mais pourquoi si Jésus m’aime? Encore une question à laquelle je n’ai pas de réponse.

Bah, qu’est ce que je suis en train de radoter. Tu vas secouer la tête avec pitié. Moi-même, je ne comprends pas mes sentiments. En fait, je ne sais pas très bien ce qu’est l’amour. Est-ce que l’avenir, qui me fait tant peur, me le révèlera?

Quand je suis au lit, j’ai toujours des sentiments bizarres. Quand je suis dans le noir aussi. J’ai toujours envie de me remplir d’air pour pouvoir m’envoler. Ces sentiments, je ne peux malheureusement pas les mettre sur papier. Ils me viennent de loin, de ma toute petite enfance.

Je serais si contente si je me comprenais moi-même! Je cherche quelqu’un qui me comprenne. Est-ce qu je trouverai cette personne bientôt?

Julie.

 

 

Jeudi, le 14 avril 1960.

 

Je n’en ai pas encore épuisé le thème de l’amour.

Que signifient les mots «chérie, mon cœur, mon trésor, etc.?» Je hais ces mots, jamais je ne veux les entendre. Y a-t-il quelque chose qui exprime mieux l’amour que le silence? L’amour, c’est le silence.

Un roman peut être très beau, mais à la fin on trouve toujours ces mots vides qui pour moi détruisent la beauté.

J’ai été à la messe du Jeudi Saint avec ma sœur. L’église était pleine à craquer, et pourtant j’avais l’impression d‘y être seule. C’est si beau de savoir Jésus tout près.

Demain nous n’aurons qu’une demie journée de classe, et samedi nous partons à la campagne. Evidemment, tu viens, mais je ne sais pas si j’aurai l’occasion de t’écrire. J’essayerai en tout cas de te tenir au courant de ce qui se passe.

Pendant les grandes vacances, j’aimerais faire une grande randonnée. Seule. Ce serait formidable! De préférence le long de la plage. Peut-être ferai-je du stop et m’arrêterai-je pour gagner de l’argent, car je n’emporterai pas beaucoup. Je serais seule pendant longtemps, et je pourrais montrer que je peux me débrouiller. Mais mes parents ne le permettront jamais! Sûrement pas seule. S’il le faut, je le ferais bien avec quelqu’un d’autre, mais ils ne me laisseront jamais. Je peux tout de même demander et qui sait, je pourrai peut-être?

Julie.

 

 

Vendredi, le 15 avril 1960. Vendredi Saint.

 

Hier soir j’ai retrouvé un petit agenda que j’avais perdu. Je l’ai retrouvé entre des lettres et des cartes. Je l’ai écrit au pensionnat, et je te raconterai.

On a eu une demie journée de classe, et maintenant, c’est les vacances!

Julie.

 

 

Samedi, le 16 avril 1960.

 

Hier j’ai oublié de te raconter qu’un prince est né, le fils de la Princesse Paola et du prince Albert: Philippe, Léopold, Louis, Marie est son nom, et il est né au Château du Belvédère a 9h.40.

Julie.

 

 

Mardi, le 19 avril.

 

Enfin je peux t’écrire une longue lettre pour te raconter ces derniers jours. Je suis à la campagne chez ma tante D, allongée sur le lit. Ma cousine écrit une lettre à son fiancé.

Nous sommes partis samedi après-midi, et nous sommes d’abord allé rendre visite à une tante de maman. Le soir nous avons logé chez ma tante M, la sœur de papa. Nous sommes donc arrivés ici dimanche. Maman a dit que ça me ferait du bien de rester à la campagne afin de mieux manger, ce qui fait que j’y suis encore! Hier soir, papa, maman et mon frère sont repartis, et ma sœur et moi restons ici.

Mon cousin A est amoureux. J’espère que c’est une fille bien, car j’aime mon cousin et je lui souhaite d’être heureux. T et moi avons planté des pommes de terre toute la journée. On n’a pas fini, et on continue demain. C’était agréable de travailler ensemble et j’étais contente. Il ne l’a pas remarqué, et c’est tant mieux.

Ma cousine m’a raconté que ma tante chez qui j’étais au nouvel an a dit que j’avais encore embrassé le garçon blond dans un corridor. On l’avait vu, a-t-elle dit. Comment les gens peuvent-ils mentir ainsi et rendre les autres malheureux? Je suis sûre que ma tante n’en avait pas l’intention, mais elle croît tous les racontars.

Avec ma cousine, on a fait un beau tour a vélo ce soir.

Elle me dit qu’elle a fini, donc je dois arrêter.

A bientôt, j’espère.

Julie.

 

 

Vendredi, le 22 avril 1960.

 

Ce matin ma tante était malade et maintenant elle est à l’hôpital pour être opérée de l’appendicite.

Mercredi ma cousine et moi avons encore fait un tour a vélo. C’était bien gai. Ma sœur joue avec les plus petites.

J’aspire toujours à l’amour. Quand y aura t’il enfin quelqu’un qui me comprenne et me donne de l’amour? L’attente est longue. Ne crois pas que c’est un caprice de jeune fille, je suis sérieuse quand je t’en parle. Si ma tante n’était pas devenue malade, on aurait été au cinéma voir Le Journal d’Anne Frank. J’espère pouvoir le voir une autre fois.

J’ai sommeil et je vais me coucher. Et si Jésus venait près de moi cette nuit pour m’offrir son amour inépuisable? Oh, je serais au paradis! Mon bonheur serait impossible à décrire. Le feu de l’amour grandit en moi et c’est Jésus qui reçoit le plus. Je ne parviens pas à m’exprimer, mais j’espère que tu me comprends.

Julie.

 

 

Lundi, le 2 mai 1960.

 

Enfin je peux t’écrire à l’aise.. Mes parents nous ont ramenées à la maison hier.

Dimanche on a été voir Le Journal d’Anne Frank. Au moins, Anne n’était pas seule. Elle avait l’amour de Peter. Cette nuit là, j’ai rêvé que moi aussi j’étais aimée. Ma cousine et moi nous sommes débrouillées dans le ménage. J’ai souvent eu de bonnes conversations avec elle.

Samedi avant le depart je soupirais: «Finies les vacances!»

-         Oh, dit-elle, il y en aura d’autres.

-         Oui, mais certaines choses ne reviennent pas.

-         Quoi donc?

-         Rien.

-         Ecoute Julie, quelque part tu m’as déçue.

-         Puis-je savoir en quoi?

-         Je pensais que tu avais un peu plus confiance en moi.

-         Mais j’ai confiance en toi! Ecoute, si je t’écris une lettre, tu ne la montreras a personne?

-         Bien sûr.

J’ai aussi eu des conversations avec mon cousin. On a parlé de l’école, de football, des professeurs… Il a eu des regards, des gestes et des mots qui pourraient me faire croire qu’il m’aime. Mais ces pensées sont chassées par ceci: il a une petite amie!

Et s’il a une petite amie, je ne peux tout de même pas me confier  lui. Ce serait mettre des bâtons dans les roues. Mais j’ai cette idée en tête que c’est de la comédie, sa petite amie… Tu me diras que c’est mon cousin, mais je n’ai pas l’intention de l’épouser, si seulement il pouvait me donner un peu d’amour et de confiance.

Quand nous sommes partis dimanche, il était parti avec sa petite amie, et je n’ai pas pu lui dire au revoir. C’était dur, j’aurais tant voulu le saluer. Je l’aime…

La dernière nuit, j’ai rêvé qu’il m’attendait à la sortie de l’école tous les jours. Un jour il a dit:

-         Tu sais comment je te trouve le dimanche?

-         Non.

-         Je trouve que le dimanche tu es grande et belle.

Je me suis réveillée toute heureuse. Puis j’ai pensé qu’il avait une petite amie. Je ne pense qu’à lui. Il est l’acteur principal dans mes rêves.

Quand ma cousine m’appelait soudainement, je pensais qu’il était arrivé quelque chose à A. Quand ces deux là avait une dispute, je m’en faisais pour A. Quand il m’adressait des mots durs, ça me faisait mal, mais je ne pouvais pas être fâchée sur lui.

Mon espoir a été détruit, réduit à une toute petite flamme. Je veux protéger cette petite flamme! Aide-moi, Jésus. Protège la, et attise la encore, afin qu’elle devienne un grand feu. Pourquoi ne viens-tu pas Jésus? Viens et emporte moi loin de cette terre.

Ma tante est rentrée de l’hôpital hier. Avant de partir, j’ai cueilli un petit bouquet de marguerites et je l’ai déposé à l’endroit où mon cousin et moi nous étions reposés un jour. Nous n’avions pas parlé. Sait-il que je souffre à cause de lui? Dans la voiture, je ne parvenais pas à retenir les larmes qui coulaient en silence.

Je suis revenue dans la réalité, et les vacances sont comme un rêve Je ne parvenais pas a me représenter les jours à l’école, je vivais dans un autre monde.

Un jour j’ai rêvé que je m’étais confiée à mademoiselle D. Quand je me suis réveillée, j’étais contente de ne pas lui avoir raconté beaucoup dans mon rêve. Serait-ce un signe comme quoi je ferais mieux de ne pas me confier à elle? Je l’aurais peut-être regretté, comme dans mon rêve.

Je ne pense plus tellement au pensionnat. Serait-il mieux de rester ici?

Julie

25 juillet 2011

11-12 avril 1960

 

Lundi, le 11 avril 1960.

 

Le sentiment d’amour d’hier soir est toujours là. Je ne parviens pas à dormir et j’ai réfléchi sérieusement à ce que je t’écrivais hier soir. Mon frère voit en l’amour plaisir, baisers et nudité. Ma sœur ne sait pas ce qu’est l’amour. Moi, je vois en l’amour pureté, bonté, compréhension et protection.

L’amour… A ce mot, je ferme les yeux, ma poitrine se gonfle et je parviens tout juste à retenir mon cœur. Il veut s’envoler vers quelqu’un qui le voie, le comprenne et le ramène chargé d’amour.

J’aime dormir la fenêtre ouverte, parce que ainsi mon petit coeur peut s’envoler, je l’envoie a Jésus. Je peux à peine contenir mon grand amour, je veux le crier, l’offrir! Mais il n’y a personne qui l’accepte, hélas. Il n’y a personne qui le voie, qui le comprenne. Où dois-je aller avec mon amour? Je l’envoie à Jésus. Il est le seul qui l’accepte. Jésus… Amour…

Toutes les adolescentes pensent qu’elles font exception à la règle. J’aimerais être comme les autres: superficielle, sans comprendre, et en même temps je suis heureuse de comprendre l’amour… Je suis heureuse de posséder l’amour…

Car j’aime, tu le sais, j’aime!

Julie.

 

 

Mardi. Le 12 avril 1960.

 

Aujourd’hui il a fait beau comme tous ces derniers jours. Tout est vert et les arbres sont en fleurs. Que la nature est belle! J’aspire à Pâques. Pourquoi? Parce que je reverrai mes cousins et cousines et tant d’autres. Je reverrai aussi le village où nous avons habité avant la faillite et notre ancienne maison. Je me réjouis de tout revoir, mais tout a tellement changé!

J’ai souvent l’impression que ma vie est un rêve, un cauchemar. Je voudrais que tout ceci ne soit qu’un rêve, un long rêve avec plein de chagrins et de joies. Mais j’ai peur aussi de me réveiller dans mon lit dans le village… J’ai peur car alors je devrais revivre tout ce chagrin et ce malheur. Et j’ai peur de ne pas tenir le coup.

Ma journée était pareille aux autres, sauf que j’ai l’impression que mon amie T. me raconte des histoires. Encore une déception en vue? J’espère de tout cœur me tromper. Et sinon je n’en souffrirai pas longtemps, car l’année prochaine… le pensionnat!

Julie.

24 juillet 2011

8-10 avril 1960

 

Vendredi, le 8 avril 1960.

 

J’ai été très gaie aujourd’hui. Apres 4 heures je suis allée m’acheter une jupe en Terlenka.

Toute la journée je pense: «Quand je serai au pensionnat…», et la plupart des phrases commencent ainsi.

Je n’ai pas beaucoup à te raconter, sinon qu’on a eu une visite de radioscopie, un petit changement dans la vie de tous les jours.

Plus qu’une semaine et on sera à Pâques. A la radio on n’entend que ça: des jeux et des histoires autour de Pâques. Dimanche il y aura un carnaval ici, composé de groupes venant de partout. Nous pensons y aller et nous amuser.

Julie.

 

Samedi, le 9 avril 1960.

 

Et alors, que penses-tu de mon bulletin? Le 5 sur 10 y a une belle place, Mère J-M a voulu l’y inscrire elle-même! Qu’est ce que tu crois! On aurait pu l’oublier!

Je vais te raconter encore un épisode de ma vie, comme promis. Pour la nouvelle année 1960, cette année donc, j’étais en vacances chez ma marraine qui a un problème au genou et ne peut pas se déplacer. A côté de chez elle habite une vieille dame qui avait invité ses enfants pour fêter la nouvelle année. Elle avait fait cuire une dinde chez le boulanger, et je l’ai aidée à la porter. Quand on était presque arrivées chez elle quand une voiture pleine de jeunes gens nous a dépassées en klaxonnant. «Les garçons!» dit la dame, et voilà qu’ils descendent de voiture et viennent vers nous. Un des garçons, dont j’ai appris plus tard qu’il était un ami de la famille, est venu vers moi et m’a embrassée sur la joue. J’ai été très surprise, mais parce que c’était la nouvelle année, je l’ai embrassé aussi. Après lui, tous les garçons sont venus m’embrasser, et j’étais très gênée. Ma marraine a tapé à la fenêtre et a mis fin aux sottises en riant: «Et bien, vous ne pouvez pas laisser les filles tranquilles!»

Le soir ils sont tous passés et le garçon blond qui m’avait embrassée en premier me regardait souvent avec persistance.

Le lendemain, quand tout le monde était reparti, la voisine racontait que ce garçon avait dit: «J’aimerais bien revoir la fille qui m’a embrassée», puis il a ajoutée: «Sa maman est bien sévère.»

J’étais fâchée, pourquoi lui a t’on laissé croire que ma marraine était ma maman? Il allait revenir dans 15 jours, et sans doute qu’il connaît la vérité maintenant.

Je sais que ça peut te paraître insensé, mais je suis si sensible a la moindre marque d’attention, et je me fais immédiatement des idées. Je veux te raconter les petites aventures de ma vie et j’espère qu’elles ne t’ennuieront pas.

Julie.

 

 

Dimanche, le 10 avril 1960.

 

Après-midi, ma cousine T. est arrivée, et nous sommes allés voir le carnaval. Mais l’ambiance n’était pas très carnaval, et en plus il a commencé a pleuvoir.

Nous venons de rentrer du cinéma, et nous avons vu un très beau film «La Violetera». Deux personnes qui doivent se quitter malgré leur grand amour, mais qui gardent espoir et à la fin ils connaissent le grand bonheur.

Moi aussi j’espère connaître l’amour, et l’aurai-je un jour? J’aspire à voir le jour où je pourrai dire de tout mon cœur à quelqu’un que je l’aime. Oh, est-ce que ça va durer longtemps? Je sais que je ne suis qu’une adolescente de 14 ans, mais mon cœur est celui d’une femme adulte. J’aspire à l’amour, l’amour pur et intérieur. Quand pourrai-je enfin poser la tête sur une épaule protectrice?

Julie

22 juillet 2011

1-7 avril 1960

 

Vendredi, le 1 avril 1960

 

Tu as vu la date? Alors tu sais: «Poisson d’avril!» Je n’ai entendu que ça aujourd’hui. Dommage qu’à l’école nous ne pouvons pas faire de blagues. C’est aussi l’anniversaire de T. aujourd’hui, et je lui ai offert une grande bote avec beaucoup de papier et une toute petite boîte à l’intérieur avec une pomme de terre cuite. Elle m’a dit qu’elle l’avait mangée a midi avec beaucoup de sel, poivre et moutarde. Si c’est v rai!

Je n’ai pas beaucoup a te raconter. J’ai fait des blagues a la maison; j’ai cousu des manches de robes de nuit et de pyjamas, mis une lettre avec un poisson dans la boîte aux lettres, dévissé des lampes, épinglé des poissons d’avril sur les oreillers, fait un lit portefeuille, mis des cartons ou des atlas dans les oreillers, etc. etc.

Avec la fille de midi, j’ai fait la paix et tout est bien. Puisse la paix durer!

Julie

 

 

Samedi, le 2 avril 1960.

 

Un crime de plus sur ma liste! Tu sais qu’à l’école on ne pouvait pas faire de blagues hier. Evidemment, il fallait que je sois désobéissante et à midi j’ai mis du sel dans une carafe d eau. Ce midi, Mère J-M m’a appelée et m’a dit que ma désobéissance me coûterait un 5/10 en ‘comportement hors classe’. Quelle catastrophe! On dirait que cette sœur m’en veut pour quelque chose. Quand il s’agit de lire un texte ou de chanter pendant la messe, de découper ou coller quelque chose, on fait appel à moi, mais pour la moindre faute ou distraction on me donne 5/10. Un jour elle m’a donne 5/10 parce que j’avais oublié de faire signer mon journal de classe. Mademoiselle D. par contre nous donne toujours un délai quand on oublie ce genre de choses, et je trouve ça tout a fait normal.

Voici encore une raison pour laquelle je n’aime pas cette école. Je n’aime ni les bâtiments, ni les «Mères», ni les élèves, car elles sont toutes des filles de riches gâtées pourries, et en plus de cela malhonnêtes et fausses.

Justement aujourd’hui maman m’a demandé si j’aimais bien cette école, et je lui ai dit la vérité. Puis elle m’a demandé si j’aimerais retourner au pensionnat. Oh, si ça pouvait être vrai! Retourner au pensionnat m’apparaît comme un château en Espagne, tellement irréel. Et maintenant il serait possible d’y retourner! Oh Jésus, comment ai-je mérité ça? Je suis tellement contente quand j’y pense. Qu’est-ce que tu penses? Aurai-je la permission de retourner au pensionnat l’année prochaine?

Julie

 

 

Dimanche, le 3 avril 1960

 

Cher Journal, j’ai l’impression que tu entends toujours les mêmes plaintes de ma part. Mais je t’ai promis de t’écrire ce que je pense, et mes pensées sont dominées par cette seule phrase: « je suis si seule…» J’ai de nouveau ce grand désir d’aimer et d’être aimée, de pouvoir vider mon cœur.

J’ai été au cinéma avec mon frère aujourd’hui: «Le tombeau indien», très beau et passionnant.

J’ai dans mon cœur une haine contre ma sœur. Elle pense qu’elle est pieuse parce qu’elle va à la messe à l’école tous les jours. Quand elle a envie de jouer à quelque chose, je dois toujours jouer avec elle; quand elle a sommeil, je dois aussi avoir sommeil et aller dormir avec elle. Devant les parents, elle fait le petit ange, mais dès qu’ils ont le dos tourné… En un mot, elle devient insupportable.

-         Pas trop longtemps, hein! vient-elle de me dire, mais je n’ai pas envie de me coucher, je veux être seule!

Quand je suis seule, la présence de Jésus et de ma petite Maman du Ciel m’est plus claires, et à eux seuls je peux tout raconter. Je voudrais qu’ils puissent aussi me donner du courage, que je puisse entendre leur voix et voir leurs yeux. Car c’est ma raison de vivre, de pouvoir un jour voir les yeux de Jésus, mon grand Frère, d’échanger un regard avec lui. Je vois ma vie comme un chemin rempli d’étoiles et d’épines, mais au bout il y a une petite lumière qui devient de plus en plus grande, et c’est Jésus qui m’attend là les bras ouverts. Quand je serai au bout du chemin de ma vie, je pourrai enfin regarder dans ses yeux et poser ma tête fatiguée sur son épaule. Mais ce n’est pas tout. Les épines doivent se transformer en roses quand je serai passée, et je ne peux pas retourner en arrière. à où il reste des épines,elles seront là pour être une épine de plus dans la couronne de Jésus mon Amour. C’est pourquoi je dois faire de mon mieux. Je veux faire des sacrifices et je porte ma solitude avec beaucoup de patience, en aspirant arriver au bout du chemin douloureux ou trouver une rose sans épines sur mon chemin.

Y a-t-il une rose devant moi? Connaîtrai-je le bonheur avant la fin du chemin?

Julie>

 

 

Lundi, le 4 avril 1960

 

Quel cauchemar! Cette matinée était un vrai cauchemar! J’étais vraiment découragée par le sourire triomphant de Mère J-M. Mais je ne veux pas lui montrer qu’elle m’a brisée, sûrement pas à elle!Car j’ai encore ma fierté! Je ne pouvais plus rire ce matin, et pour une fois j’ai été très silencieuse en classe. Mademoiselle D. l’a remarqué, et elle m’a donné «la charge des cahiers», ce qui veut dire que tous les matins je dois ramasser les devoirs. En fait, je ne me rappelle pas grand-chose de cette matinée, c’était un vrai cauchemar! L’après-midi, je me suis forcée à être a nouveau gaie et j’y suis même arrivée.

Là tantôt, il y avait un camion de déménagement de la ville du pensionnat de l’autre côté de la rue, et j’ai senti un grand désir du pensionnat monter en moi. Mes parents se montrent très attentifs a moi:

-         Julie, tu as assez mangé?

-         Julie, tu ne veux pas une banane? Prends-en une pour demain.

-         Julie, commet ça allait en classe?

Cela me rend heureuse! Je me sens plus légère et moins pessimiste.

«Il y avait une rose devant moi sur mon chemin.»

Je suis heureuse et contente!

Julie

 

 

Mardi, le 5 avril 1960

 

Oh que j’ai peur!

Maman a fait le grand nettoyage en haut. Quand je suis rentrée ce n’était pas fini, et tous mes livres et cahiers étaient dispersés sur le lit. Et qu’est-ce que je vois? Tu étais au-dessus d’une pile, bien en vue. Tu crois que maman a lu? J’ai peur!

C’est l’anniversaire de mon frère aujourd’hui, il a déjà 17 ans!

J’ai beaucoup pensé au pensionnat, comment sera-ce quand je serai là l’année prochaine?

J’aime papa et maman un peu plus tous les jours, et Jésus, et Marie, ma petite Maman du Ciel! J’aime, oui, mais je veux aimer encore plus, car mon amour grandit tous les jours. Je ne parviens presque plus à le contenir dans mon cœur, il veut sortir!

Oh, chère Maman du Ciel, envoie moi quelqu’un à aimer et qui m’aime aussi!

Julie

 

 

Mercredi, le 6 avril 1960

 

Ce matin j’ai de nouveau rencontré les deux petits garçons que je rencontre presque tous les jours. Ce sont un petit garçon d’environ 8 ans, et son petit frère d’environ 5 ans. Souvent, l’aîné porte le petit sur son dos. Ce matin il y avait encore un garçon et une fille du même âge avec eux. Le garçon était en train de se moquer de l’autre, et en passant je l’ai entendu dire: «Attention! Il va fondre!» Il visait sûrement le petit que l’aîné tenait par la main. Le garçon avançait lentement, la tête baissée. Je voulais le consoler, et j’ai marché derrière eux. Dans un tournant qu’ils prennent normalement, le petit a montré l’autre garçon qui était parti en avant et a dit: «Ils vont par la!» Son grand frère a répondu: »Viens, on tourne».

Oh, j’avais tellement pitié du garçon qui se faisait insulter à cause de son petit frère qu’il devait protéger, mais il n’est pas égoïste et le supporte plutôt que d’abandonner son petit frère, cet être innocent et sans défense.

J’ai couru pour rattraper l’autre garçon, et j’ai marché derrière lui car j’avais envie de lui faire la leçon, mais je ne trouvais pas les mots. Il me semblait qu’il sortait d’un milieu plus riche que l’autre avec ses vêtements misérables, sa culotte courte et ses maigres jambes. J’ai y souvent pensé pendant la journée.

Si je le vois demain je lui donnerai la grosse orange que j’ai reçue ce soir. J’ai tellement pitié d’eux et j veux toujours leur donner quelque chose quand je les vois. J’ai souvent voulu, mais je ne l’ai pas encore fait. Je me réjouis de demain.

Il a fait très beau aujourd’hui et la soirée est chaude. Evidemment, ma sœur a fermé la fenêtre, et moi j’aime tellement dormir la fenêtre ouverte! Il faut toujours que sa volonte soit faite!

Julie

 

 

Jeudi, le 7 avril 1960.

 

Je n’ai pas revu le petit garçon ce matin.

Il a fait chaud jusqu'à 4 heures, puis il a commence a pleuvoir tout doucement. Moi, qui sortais de la messe, en le voyant j’ai imploré: «Pleurez, cieux, pleurez!» Alors la pluie est devenue une averse et ça m’a bien plu. Mais…Sans penser à rien, j’ai marché dans la pluie et j’étais complètement trempée. Ma jupe d’uniforme était toue mouillée et n’avait plus aucun pli. Ce n’est que juste avant d’arriver à la maison que je me suis abritée dans une embrasure de porte. Mais trop tard!

Quand je suis rentrée, maman m’attendait avec un visage malheureux. Elle avait espéré que je me serais abritée. Mon manteau est bon pour le nettoyage, et maman a lavé et repassé ma blouse, plus ma jupe! Demain après la classe je dois aller en ville m’acheter une jupe en Terlenka.

Je vais aller me coucher, car maman nous a envoyés au lit tôt parce que nous avions beaucoup de peine à nous réveiller ce matin.

Julie

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20 juillet 2011

28-31 mars 1960

 

Lundi, le 28 mars 1960

 

Je voudrais pleurer. Je voudrais pleurer pour alléger mon cœur, car je me sens si seule.

Aujourd’hui j’ai essayé d’être un peu plus gaie en dehors de la classe où je le suis déjà. J’y suis parvenue un peu, mais maintenant que je vais me coucher bientôt, je sens toute la solitude et la tristesse de la journée remonter. Je voudrais aller dehors où il fait noir. Pas dans les rues illuminées, mais quelque part où il fait très noir, et là commencer à pleurer et vider mon cœur. J’aimerais qu’il y ait quelqu’un qui me console. Hier soir avant de dormir j’ai longtemps pensé à mon cousin T. Il est si pur, si bon, si serviable. C’est à lui que j’aimerais tout dire, tout! Je le verrai à Pâques et j’aimerais pouvoir lui parler, Je l’aime surtout parce qu’il est pur.

Mon cœur va se briser bientôt si je ne peux pas le vider, l’alléger. J’ai tellement envie de quelqu’un à qui parler, qui me comprenne et m’aime un peu.

Mais maintenant les larmes qui me soulageraient ne viennent pas, je ne peux pas pleurer. Je ne veux pas me mettre au lit, non, je veux être seule. Personne ne me comprend, personne. C’est comme si j’étais seule au monde, seule avec mon chagrin et mon désespoir.

Mais je pense à ma chère Maman du Ciel, je lui dirai tout, je lui demanderai d’alléger un peu mon cœur et de me donner du nouveau courage, car le courage me manque.

Je ne veux pas désespérer. Je ne suis encore qu’une adolescente, et j’espère. Je veux prendre courage pour ne pas crouler sous la charge. J’espère qu’elle m’aidera un peu, elle est tellement bonne. Je lui de demanderai de rappeler mon chagrin et mon nom a son Fils Jésus. Je lui demanderai aussi de laisser venir a moi son Fils, pour qu’il me montre son amour.

Julie.

 

 

Mardi, le 29 mars 1960.

 

Oh, j’en ai des choses à te raconter aujourd’hui !

A midi au réfectoire, il y a toujours deux filles qui se chuchotent des choses entre elles et puis rient en cachette. Pendant la recréation j’étais même un peu fâchée car c’est quelque chose que je ne supporte pas. Alors qu’on arrivait a l’étude, elles étaient encore en train de chuchoter entre elles, et j’ai dit: « pas encore fini de chuchoter!?» Elles ont éclaté de rire, mais ça ne me fait rien.

Nous avons aussi eu notre film du mois: «Amis pour la vie». Très triste.

Après le film, au vestiaire, j’ai dû tout à coup cacher mon visage dans les manteaux pour ne pas montrer que je pleurais très fort. Les élèves qui arrivaient demandaient ce qu’il y avait, un peu moqueuses, car tout le monde avait pleuré pendant le film. Mais je disais que je riais, que je riais toujours après avoir pleuré. J’avais un sentiment si bizarre… Je pensais que je n’avais pas d’ami a qui je pouvais tout dire et que je n’en aurais jamais. Je n’arrivais pas à contrôler mes larmes. Je rentre toujours avec deux filles de ma classe, mais cette fois il y en avait une troisième, une des deux filles de ce midi. Elle dit: «Croque-mort, tu as l’air d’aller a un enterrement!»

Alors j’ai crié: «Oui, je sais!», et j’ai couru parce que je pleurais toujours. Elles m’ont suivie et la fille de midi a mis son bras autour de moi. Je l’aurais bien rejetée, mais je me suis contrôlée. Elles demandaient sans arret: »Qu’est ce qu’il y a?», mais je répondais: »Vous ne comprendrez pas, il n’y a rien.» Arrivées à l’endroit où mes deux amies me quittent d’habitude, elles n’on pas voulu me laisser partir. Je me suis détachée d’elles, mais elles m’ont suivie et m’ont enlacée de leurs bras: »On va avec toi, on ne te quitte pas!».

J’aurais voulu être seule, et en même temps j’étais contente qu’elles s’en fassent pour moi. Apres bien des questions, j’ai dit: »Et bien voilà, quand j’ai pleuré dans le vestiaire comme vous le croyiez, c’était bien pleurer que je faisais, et pas rire comme je vous l’ai dit».

-         Alors, qu’est ce qu’il y a? C’est donc à cause film?

-         -Oui!

-         Je crois savoir pourquoi tu pleures, dit T.

Je lui ai demandé pourquoi, mais ce n’était pas juste. Alors, d’un coup, tout est sorti.

-         Moi, je n’ai pas d’ami comme les deux garçons du film, je n’ai personne, personne… Quand j’ai du chagrin, je dois toujours le porter seule. Je n’ai personne…

-         Pourquoi pas ta maman?

-         Maman a déjà beaucoup de chagrin et d’ennuis comme ça, je ne vais pas encore l’ennuyer avec mes petits chagrins.

Et je pensais «mes gros chagrins».

-         Tu sais que tu peux toujours compter sur nous.

Je leur étais très reconnaissante. On est arrivées au carrefour, et nous nous sommes séparées.

Quand je suis rentrée à la maison maman a demandé pourquoi j’avis le visage gonflé,

-         D’avoir pleuré ou d’avoir ri?

-         D’avoir pleuré. Lise, combien elle a eu? (ma soeur a eu son résultat aujourd’hui)

-         Julie, pourquoi tu as pleuré?

-         On a eu cinéma, et on a vu un film très triste.

Heureusement, je ne devais pas mentir.

Papa et maman croient que j’écris un roman. Chaque fois que je redescend, maman demande: «Tu as eu de l’inspiration?»

Et ce soir après le baiser du soir, papa dit:’Tu devras me le laisse lire quand il sera fini hein!»

Tout ça parce qu un jour ma sœur a dit un jour que le soir j’écris encore longtemps.

Demain c’est la proclamation!..

 

Cette nuit j’ai rêvé que j’entendais la sonnette trois fois et la voix de ma cousine T. Paraît que ce n’était pas un rêve. T. est arrivée vers 11 heures avec son frère qui a échoué dans ses examens de médecine et qui cherche du travail. Il a logé sur le divan, et ce matin quand nous sommes partis a l’école, il dormait encore. Ce soir il n’est pas encore rentré d’avoir été chercher du travail. J’ai un peu peur de lui car pendant les vacances il avait mis sa tête sur mes genoux pendant un pique-nique. Mais c’est mon cousin, et j’ai confiance en lui.

Julie

 

 

Mercredi, le 30 mars 1960.

 

Contrairement a ce que je croyais hier soir, mon cousin était reparti. On ne l’aura donc vu qu’endormi.

Remise des prix aujourd’hui. Catastrophe, je suis descendue de 3%. J’ai 68%, pas si bon, et maman était fâchée. Mes deux amies sont première et deuxième. Je suis cinquième. Je leur ai dit que j’allais essayer de les battre ce trimestre, ça promet!

J’ai été gaie aujourd’hui (avant la proclamation).

Nous avons un professeur, mademoiselle D., qui nous donne Latin, Grec et Histoire. Il n’y a pratiquement personne en classe qui l’aime, mais évidemment je fais exception, car je l’aime beaucoup sans qu’elle le sache. Je pense qu’elle m’aime bien aussi, car elle  a été généreuse avec moi pour les points de «comportement en et hors classe». Elle est gentille avec moi. J’aimerais me confier à elle, elle est tellement intelligente et gentille. Un jour elle m’a dit qu’elle avait été «agréablement surprise» de mes examens, et que je devais surtout mieux travailler pendant l’année.

Je veux commencer à faire cela maintenant. J’ai souvent commencé, mais après un temps j’abandonne. Maintenant c’est différent. J’ai pris la résolution de mieux travailler, et j’ai commencé aujourd’hui même. Je demanderai à Jésus et à ma Maman du Ciel de m’aider à continuer, toujours.

Pendant les vacances de Pâques j’aimerais aller travailler! Juste travailler pour gagner un peu d’argent, car je dois encore étudier longtemps et dépendre de mes parents. Ca doit être gai de pouvoir gagner son premier argent et de pouvoir le donner a ses parents!

Julie.

 

 

Jeudi, le 31 mars 1960.

 

Que de malchances aujourd’hui! J’avais oublié de noter une leçon de Sciences dans mon journal de classe, et une leçon d’Histoire j’avais notée pour jeudi prochain! Et je m’étais si bien promis de bien étudier! J’ai pu répondre plus ou moins d’après ce que j’avais retenu du cours, mais pas comme je me l’étais promis. Ce soir j’ai bien étudié.

Il ne s’est rien passé de spécial aujourd’hui, j’ai été très gaie. Je veux prier beaucoup, alors je suis vite consolé et bien dans l’épaule que je m’imagine quand je pose la tête sur l’oreiller.

Pendant la messe aujourd’hui je n’ai pas été très pieuse. Parfois je peux être tellement absorbée dans ma prière que j’oublie tout, et c’est comme si je parlais vraiment à quelqu’un. C’est pour ça que j’aime prier; dans ma prière je dis tout, je mets tout mon amour et toute ma confiance. Dans la prière je puise de nouvelles force et du nouveau courage.

Je sais qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui comprennent vraiment ce qu’est Dieu et ce qu’est la prière. Ils ne comprennent rien. Moi je sais tout, et je comprends tout de ce que Jésus a souffert pour nous, qui est Marie, ce qu’est la sainte messe et ce qui s’y passe, ce qu’est la prière et l’amour, le grand, le pur amour, l’amour de Jésus, de notre Maman du Ciel.

Marie est ma Maman du Ciel, elle est la Maman de Jésus et ainsi Jésus est mon Frère, mon grand Frère pur et intelligent. Il me comprend, mais il est fort occupé, mais sa Maman est toujours près de moi et quand je dors elle va chez son Fils avec qui elle parle aussi pendant la journée. C’est pour ça que je lui demande tout ce que je voudrais demander a mon grand Frère, elle lui redit tout.

J’aurais besoin d’un grand frère ainsi, car j’ai un frère mais il n’est pas pur… Il voit l’amour autrement que moi. Son amour est un péché, et moi je veux que mon amour soit comme l’amour vrai, grand et pur de Dieu.

Cet amour ne sera jamais parfait comme celui de Dieu, mai je veux qu’il brille d’un éclat sans une seule tâche. Je veux donner mon amour pur a Jésus, je veux qu’il brille comme un plateau en or et que Jésus en perçoive un petit éclat qui le rassure qu’il existe encore de l’amour vrai sur terre. Mon amour est tellement grand!... Et je veux l’offrir… aux gens qui le comprennent.

Julie

19 juillet 2011

24-27 mars 1960

 

Jeudi, le 24 mars 1960

 

Je suis si contente de pouvoir t’écrire. J’ai beaucoup pensé à toi aujourd’hui car avec toi c’est comme si je vivais dans un autre monde. On avait une messe après 4 heures, et j’étais contente de pouvoir aller vers Dieu, vers Jésus… Le feu de l’amour grandit dans mon cœur; je veux aimer, chérir…

On a reçu quelques résultats d’examens aujourd’hui. J’espère tellement avoir un beau résultat car ça fait plaisir a mes parents et c’est la seule chose que je veux faire.

Pour t’amuser, je vais te raconter un de mes rêves qui n’est pas trop vieux.

J’étais dans un grande chambre, claire et richement meublée avec mes parents et quelques amies. Là circulait un jeune homme, un serviteur je pense. A un moment donné il m’a fixée droit dans les yeux. Oh, ce regard pur et clair! Apres une longue conversation avec le monsieur qui nous avait invités, je n’y tenais plus et je voulais sortir pour prendre l’air. Mais j’ai trébuché, une douleur aigue, puis plus rien. Vaguement je me rendais compte que j’étais soulevée, puis déposée. Je me suis a moitié réveillée dans un abri en bois, comme une étable; j’étais bordé par une main douce et je regardais dans les beaux yeux du jeune homme que j’avais vu comme serviteur. Il s’est penché sur moi… Et puis, oui, j’ai senti de douces lèvres sur mon front, après qu’une main ait écarté une mèche de cheveux. Mon front brûlait! Et cette douleur m’a réveillée, alors que j’entendais comme une voix qui disait: «Le baiser brûlant. Le baiser brûlant».

J’ai porté la main au front en répétant ces mots. Et puis une pensée m’a traversé l’esprit: «C’était Jésus, Jésus! C’était lui!» Je n’ai jamais oublié ce «baiser brûlant» et je ne me suis jamais sentie aussi heureuse. J’étais sûre que Jésus était venu près de mon lit. Tu vas peut-être rire, mais je suis encore heureuse quand j’y pense. Apres cette nuit, j’ai souvent demandé a ma petite Maman du Ciel de pouvoir avoir le même rêve, que Jésus revienne me visiter.

Je sais, je suis égoïste quand je demande cela, mais ce grand bonheur!.. Je le désire tellement…

Julie

 

 

Vendredi, le 25 mars 1960.

 

Aujourd’hui il a fait beau jusqu'à midi, puis il a commencé à pleuvoir et pleuvoir. On a eu un inspecteur en classe pour le grec, un grand et sympathique prêtre. Il paraît qu’il a dit beaucoup de bien de notre classe.

Je n’ai pas beaucoup a t’écrire aujourd’hui.

Hier soir je ne parvenais pas à m’endormir, et j’ai beaucoup pensé à l’idée du journal. Je crois bien que mes parents ne sont pas au courant de ton existence. Pourtant ils savent que ces dernières semaines je suis souvent montée, et comme tu sais, maman m’a surprise un jour.

Cette journée s’est passée comme toutes les autres quand nous devons aller à l’école toute la journée, longue et monotone; sauf qu’on a eu l’inspecteur.

J’espère pouvoir t’écrire plus et de plus agréables nouvelles demain.

Julie.

 

 

Dimanche, le 27 mars 1960.

 

Me voici a nouveau!

Hier je n’ai pas pu écrire parce que je n’avais pas le temps. Pour une fois, maman est venue en ville avec ma sœur et moi, et nous avons toutes les deux reçu un nouvel ensemble pour le printemps. Et oui, le printemps a commencé tu sais! Pour moi, le printemps est la plus belle saison, quand la nouvelle vie commence. Au printemps, j’ai un nouvel espoir de bonheur, d’amour. C’est comme si je commençais une nouvelle vie, comme si je pouvais tout recommencer. Thérèse est venue, une cousine qui enseigne a Bruxelles, et nous avons joué aux cartes.

Ma sœur est déjà au lit et répète tout le temps: «Je voudrais qu’on soit a Pâques.»

Aujourd’hui, j’ai pu confirmer mon impression qu’on fait plus attention à ma sœur qu’à moi: «Elle commence a grandir, a être plus sage, a manger, a étudier» et moi je reste la même (croient-ils). J’ai toujours bien grandi, ça fait longtemps que je suis sage, j’ai toujours bien mangé, travaillé et étudié. Pourtant, j’ai bien changé ces derniers temps, je me suis littéralement retournée de l’intérieur vers l’extérieur, mais ils ne le remarquent que vaguement parce que ce n’est pas physique.

Ne pense pas que je sois jalouse, oh non, pas du tout. Je reçois beaucoup d’amour de mes parents et le temps où ils m’admiraient est passé. Maintenant je ne suis plus qu’un pauvre petit être, un moustique qu’on peut tuer d’un coup, je le sais et je l’accepte. Mais j’aspire tellement à avoir de l’amour, l’amour vrai et la confiance. Quand j’y pense je presse inconsciemment les mains sur le cœur et je dirige mon regards vers le ciel en prière. Je crois à l’amour, et j’espère l’amour.

Julie.

18 juillet 2011

22-23 mars 1960

 

Mardi, le 22 mars 1960

Je viens de relire mes premières lettres, et j’ai constaté que tu dois me demander des explications. Tu dois savoir qu’il n’y personne sur terre qui m’aime autant que mes parents m’aiment. Comment ai-je pu leur faire tant de peine! Papa et maman, je ne l’ai jamais oublié. J’ai l’impression de ne pas encore avoir fait pénitence pour mon péché Comment ai-je pu vous voler de l’argent ! Ou était ma tête!..Chaque fois que je pense à 1958, l’année ou nous avons fait faillite… chaque fois je pense que c’est ma faute, que les pièces d’argent que j’ai volées dans le temps sont celles qui vous ont manqué! Je voudrait me cogner la tête contre le mur, m’arracher les cheveux, quand je pense combien j’ai été ingrate, combien de peine je vous ai fait…

Cher Journal, tu apprendras d’autres choses de moi, beaucoup de choses. Peut-être vas-tu penser: «Est-ce la même Julie, la patiente et taciturne Julie? La Julie qui aime tant Dieu?» Hélas oui, c’est moi, c’était moi!

Un jour, j’avais 7 ou 8 ans, j’ai ouvert le bureau de papa et j’ai…

Oh, maman vient de sortir d’ici. Ai.

-         Qu’est-ce que tu fais?

-         J’écris, maman.

-         Qu’est ce que tu écris?

-         Un livre…

Ai! Qu’est ce que j’ai dit; je me suis presque trahie…

-         Un livre?Très étonnée.

-         Non.

-         Un devoir?

-         Non.

Ca devient grave!

-         Juste comme ça?

Ouf, sauvée!

-         Oui, juste comme ça.

-         Ah. Et bien, viens faire ça en bas. Il ne fait pas trop froid ici?

Et la voilà repartie.

Chère maman! Si elle m’avait demandé de voir, est-ce que je lui aurais montré?!..

Juste sur cette page avec un morceau de ma confession…

Et bien oui. Juste quand j’avais empoché quelques pièces, j’ai entendu un bruit dans la pièce à côté où maman était en train de coudre. Je suis vite rentrée… Après être restée un temps près d’elle, j’ai dit: «Je vais encore m’amuser un peu!» Je suis retournée dans le bureau et j’ai encore pris des pièces. Evidemment, comme j’avais distribué plein de bonbons en classe, j’ai été découverte et j’ai été bien punie.

Mais la tristesse, et des années plus tard la faillite, m’ont fait réfléchir. Plus jamais je ne le ferai!

Julie

PS. Demain commence le troisième trimestre de l’année scolaire!

 

 

Mercredi, le 23 mars 1960

Il est encore tôt l’après-midi, deux heures et demie. Aujourd’hui le troisième trimestre a commencé avec une demi-journée de classe. Le mercredi et le samedi après-midi, nous avons toujours congé.

En classe je suis un vrai clown. Je bavarde, je ris, je fais des grimaces, et je dis de telles bêtises que toute la classe éclate de rire. Toutes les filles de ma classe m’aiment. Jamais je ne refuserai de laisser copier, ou de prêter mon cahier pour mettre le sien en ordre. J’aime ma classe et les professeurs, même si je dis des méchancetés derrière leur dos. C’est de la blague.

Julie

17 juillet 2011

20-21 mars 1960

 

Dimanche, le 20 mars 1960

Voici tout d’abord la suite de mon aventure.

Quand la dame a déposé son téléphone, j’ai redit ma plainte.

-         Que voulez-vous que je fasse?

J’ai haussé les épaules, qu’est-ce que j’en savais!. Si j’avais su moi-même, je n’aurais rien demandé. Elle a téléphoné à un monsieur qui enverrait ma sœur dans ce bureau s’il la voyait. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner, et la dame avait souvent deux cornets en main. Apres avoir attendu une demi-heure, qui m’a parue très longue, j’ai décidé de rentrer a la maison. Et voilà que juste à ce moment la ma sœur se dirige vers moi. Quel soulagement! J’étais presque au bord des larmes. Nous sommes vite rentrées à la maison, et nous n’avons rien dit aux parents

Je suis ici dans ma chambre, c'est-à-dire notre chambre. Une très grande pièce a été divisée en deux par un grand meuble. Mon frère dort d’un côté, et ma sœur et moi partageons un grand lit. De mon côté du lit, il y a une table de camping rouge qu’il faut replier chaque weekend pendant l’été. J’y ai mes livres scolaires et quelques romans, ainsi qu’une lampe de bureau.

Nous avons congé jusqu'à mercredi, car nous venons de terminer les examens. Me voici donc avec la frousse, car je ne sais pas ce que je vais avoir comme résultat.

Julie.

Voilà que je suis remontée dans ma chambre pour écrire dans mon Journal. Je ne parviens pas à t’oublier, cher Journal. Nous venons de manger, et je me suis enfouie. Je me sens si seule… Et pourtant, j’ai des parents qui m’aiment et que j’aime. Mais je ne peux pas me confier a eux. J’ai besoin de quelqu’un. Je le sens. Il fait noir dehors. Tu dois savoir que j’aime la nuit et la pluie. La pluie me donne l’impression d’être libre et heureuse. J’ai un grand feu qui brûle en moi. Un feu qui s’étend de jour en jour et qui est l’amour. J’ai tant d’amour et je voudrais le donner… Donner tout mon amour…

Mais oui, j’aime! J’aime tout d’abord Jésus, je l’aime comme je n’aime personne ni rien. Il occupe la plus grande place dans mon cœur, c’est à lui que je donne le plus d’amour. J’aime ensuite ma petite Maman du Ciel. Oh oui, je l’aime. Je lui parle. Quand quelque chose ne va pas, je lui prends la main car je sais qu’elle est toujours, toujours là, a côté, un peu derrière moi. Il n’y a pas si longtemps que je m’en suis aperçue.

J’aime alors mes parents, mes chers parents qui ont déjà tant souffert, aussi à cause de moi… Je les aime beaucoup et ils m’aiment beaucoup aussi. Mais je sais que mon amour pour eux est plus grand que leur amour pour moi.

J’aime d’autres personnes à qui je suis très attachée. Des personnes qui sont hélas séparées de moi. Il y a surtout monsieur D., un prêtre qui était au pensionnat l’année dernière, mon confesseur et mon guide spirituel. Il y avait au pensionnat deux sœurs aussi à qui je m’étais confiée.

J’aime… quelqu’un. Ce quelqu’un, je ne peux le déterminer car je ne le connais pas. Tu vas rire, mon Journal, mais je le sais. Je suis par exemple seule dans une pièce vide, sans personne, sans objet. Et je sais que j’aime une personne qui pourrait être là. J’aime un inconnu. Un jour, Dieu me révélera qui est cet inconnu. Entre-temps je l’aime déjà.

J’aime aussi mon frère, ma sœur, mes oncles et tantes, mes cousins et cousines, mes amies, toutes les personnes que je connais ainsi que les personnes que je ne connais pas. Car j’aime tout le monde.

Je voudrais prier souvent, beaucoup, mais j’ai tellement peur que quelqu’un me surprenne. Je sais cependant que chaque parole et chaque action sont une prière. Aussi, je me console.

Je vais redescendre car j’ai peur qu’ils ne s’inquiètent en bas et ne viennent voir.

Julie.

 

Lundi, le 21 mars 1960.

 

Je n’écrirai pas beaucoup aujourd’hui car je suis très fatiguée. Je ne désire qu’une chose, c’est d’aller dormir, ce que je vais faire dans un instant. Je suis assise sur le bord du lit dans ma robe de nuit. Ma sœur et moi sommes encore allées en ville aujourd’hui, à pied. J’ai mal aux pieds ainsi qu’à l’épaule à cause du sac que j’avais à porter.

Pendant le dîner, papa a dit: «Je pense que Julie a maigri, elle a une petite mine». Je sais que c’est vrai, je mange moins

Apres le repas, j’ai écrit une lettre à Gizy, une amie d’enfance. J’y ai joint une carte, car c’est son anniversaire le 23. J’ai aussi joint une petite photo de moi, comme elle avait demandé.

Quand je t’écris, cher Journal, j’oublie que je suis fatiguée. Je suis tellement heureuse de pouvoir tout te dire. Ma sœur a commencé un journal aujourd’hui.

Cher Journal, je t’aime tu sais! Je te donne beaucoup d’amour.  Je pensais ne rien écrire aujourd’hui, mais le fait de t’écrire me rend heureuse. Je te remercie pour le bonheur que tu me donnes, je me sens si souvent seule et triste. Tu seras toujours une grande consolation pour moi.

Julie.

16 juillet 2011

20 mars 1960

 

 

Le 19 mars 1960.

 

Aujourd’hui je suis allée en ville avec ma soeur Lise, qui a un an de moins que moi. J’avais résolu d’acheter ce cahier. J’ai lu le journal d’Anne Frank, et j’ai vu comment elle confiait tout à son journal. Je veux faire la même chose. Nous nous sommes promenées dans les magasins, mais j’avais immédiatement acheté ce cahier et je brûlais d’envie de commencer à écrire. Mais ce cahier a déjà connu une petite aventure en ville. Ma sœur traînait d’un rayon à l’autre au Bon Marché, et comme j’en avais marre, je suis partie sans elle à un moment donné. Arrivée à la sortie, je me suis rendu compte qu’elle ne me suivait pas. Je l’ai cherchée en vain, puis je me suis rendue au lieu de rendez-vous avec papa, mais elle n’était pas là. Je l’ai cherchée en vain, et finalement je me suis rendue au bureau des réclamations. J’ai frappé à la porte, et je suis entrée. Un monsieur et une dame assis a deux bureaux différents. Comme la dame était au téléphone, je me suis adressée au monsieur, un monsieur très grand et très maigre.

-         Que désirez-vous, mademoiselle?

-         J’ai perdu ma sœur dans ce magasin.

-         Asseyez-vous là et attendez une minute, madame va vous aider.

Je dois terminer pour ce soir, car ma sœur m’attend au lit avec impatience pour que je lui dise à quoi sert un ‘si gros cahier’.

Mais avant d’aller dormir, ma résolution.

 

« Je traiterai mon Cahier comme une personne a qui je confierai tout, mes joies et mes tristesses. Jamais je n’arracherai une feuille de mon Cahier, tout y restera comme je l’aurai écrit dans ma joie, ma tristesse ou ma colère. La couverture me dit qu’il y a 200 pages et je ferai en sorte qu’il n’y en ait pas 199 quand il sera plein.»

 

Voilà, à demain. Dors bien!

Julie

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Journal d'une adolescente des annees soixante
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