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Journal d'une adolescente des annees soixante
30 juillet 2011

3-6 mai 1960

 

Mardi, le 3 mai 1960.

 

Maman a 43 ans aujourd’hui. On fêtera ça dimanche en même temps que la fête des mères.

Il a fait beau, évidemment, puisque les vacances sont terminées, et je me suis promenée au «Tir». C’est vraiment la campagne là, avec des collines et des tranchées, un ancien domaine militaire. J’avais pris mon cahier pour faire des esquisses de la nature. Mais le printemps n’est pas très présent là, et je pensais fort aux vacances de Pâques. Alors je me suis promenée un peu partout dans le domaine, montant et descendant des collines  et traversant des broussailles. Au sommet d’une colline, trois hommes étaient en train d’observer deux amoureux. Ils m’ont regardée avec de grands yeux quand je suis passée. Au sommet d’une autre colline, un des trois hommes me rejoint.

-         Vous avez perdu quelque chose?

-         Non, pourquoi?

-         Parce que vous marchez en rond.

J’avais déjà le regard sur le sentier qui redescendait, quand il m’adresse de nouveau la parole.

-         Il fait beau, n’est-ce pas?

-         Oui, assez.

-         Vous habitez dans le quartier?

-         Non, sur la chaussée.

-         Vous êtes d’ici?

-         Non, j’habite ici, mais je ne suis pas d’ici.

-         Moi, j’habite là, dans le quartier.

-         Où ça?

-         Là-bas! Pas dans les blocs, dans le quartier. Quand il fait beau, je viens me promener ici. Et comme il faisait beau aujourd’hui… Mon ami disait… parce que vous veniez par là et que vous aviez vu les autres. Alors, tout serait gâché.

Un autre homme arrive, sûrement 30 à 40 ans.

-         Voilà mon ami.

L’ami en question s’arrête plus bas et nous regarde avec curiosité. Celui qui est près de moi s’adresse a lui.

-         C’est fini, hein.

-         Oui, oui.

Je ne savais pas de quoi ils parlaient, et je ne pouvais pas rester là.

-         Vous voulez vous promener? On peut aller par là.

Et du menton il indique un endroit où il n’y a personne. Je suis partie sans répondre. Je les entendais parler, et je me suis arrêtée. Alors il est descendu.

-         Vous pouvez avancer. Vous n’avancez plus? Pourquoi êtes-vous partie si brusquement?

Je me suis remise en route, et il m’a suivie pendant quelque temps. J’ai pris le chemin vers la maison, car il était temps de rentrer, et je le voyais partie par ailleurs, la tête baissée.

Alors j’ai eu des remords. Avait-il de bonnes intentions? Peut-être qu’il n’observait pas les amoureux. Si je le revois, je lui offrirai mes excuses. Pourquoi l’ai-je repoussé? Etait-ce instinctif, ou bien la colère? Je le regrette.

Julie.

 

 

Mercredi, le 4 mai 1960.

 

Retour à l’école aujourd’hui. Avec ma sœur, on s’est promenées au «Tir». Le jeune homme d’hier était là, mais quand il m’a vu il est parti. Si j’avais été seule, je serais allée vers lui. Son ami est reste tout un temps, et j’avais envie de m’adresser a lui. Quand ma sœur m’a demandé de cueillir des fleurs, je l’ai cherché sans succès.

A l’école, ça va bien. J’aimerais autant rester ici l’année prochaine. Comment explique ça à mes parents?

La nostalgie de la campagne est passée aussi. Je pense encore à mon cousin, mais j’accepte mon destin. J’essayerai d’être courageuse. En classe, mes sentiments sont au second plan, je suis de nouveau le clown.

C’est le mois de mai, mois de Marie.

Chère petite Maman du Ciel, en ce mois qui t’est consacré, de te prie de tout mon cœur flambant d’amour de m’aider, de me protéger, de me faire voir ce qui est bon et mauvais. Je te demande surtout de me consoler. J’en ai tant besoin! Car je me sens toujours seule, mais quand je pense a toi, je sais que tu es là et que tu ne me quittes jamais. Tu dois avoir du chagrin quand je me plains sans cesse d’être si seule. Tu pourrais croire que je t’oublie. Pardonne-moi si je t’oublie parfois. Qu’en ce mois de mai je me souvienne à chaque instant que tu es près de moi. Pardonne-moi si mes lèvres ne forment pas le «Je vous salue Marie», mais j’espère que seule ma pensée pour toi suffira. Aide-moi, aime-moi!

Julie

 

 

Jeudi, le 5 mai 1960.

 

Deux mots. Nous sommes pressées d’éteindre, car il est déjà 10 heures moins le quart. Je t’écrirai une longue lettre demain. Rien de remarquable ne s’est passé aujourd’hui, et donc, a demain.

Julie

 

 

Vendredi, le 6 mai 1960.

 

Il y a deux personnes heureuses de plus sur terre: la Princesse Margaret d’Angleterre et Antony Armstrong-Jones. Cette princesse a épousé un simple photographe. Ca a fait tout une histoire. La princesse a été amoureuse avant, du Capitaine Towsend, mais ils ne pouvaient pas se marier. Maintenant cette princesse nostalgique est devenue une femme heureuse.

Ce soir, nous avons discuté des vacances en famille. On pense aller à Lourdes. Ce serait formidable de voir l’endroit où ma petite Maman est apparue a une pauvre fille. On est aussi en train de préparer la fête pour dimanche.

J’ai reçu les premières leçons de dessin par correspondance, et j’ai hâte de voir les corrections de mes premiers dessins. Mais je dois d’abord les faire!

Julie

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